Pourquoi ce critère oublié des voitures électriques est incontournable


Toutes les voitures électriques ne se rechargent pas de la même façon. En recharge rapide (DC), chaque modèle dispose de caractéristiqes propres et d’une courbe de recharge différente. En prenant le temps de l’observer, il est plus facile de départager deux modèles qui nous intéressent pour un futur achat, par exemple. Mais ce n’est pas tout. Lors des voyages avec des arrêts sur des bornes de recharge rapide, la courbe de recharge permet de s’arrêter moins longtemps tout en rechargeant plus efficacement.

Il est donc grand temps de s’y attarder, car ce sera un moyen pour vous de faire des économies, en plus de s’équiper de la meilleure carte de recharge ou d’une recharge chez soi plus rapide.

Qu’est-ce qu’une courbe de recharge et comment la lire ?

La courbe de recharge d’une voiture électrique réplique sous la forme d’un graphique les variations de la puissance de recharge au cours d’une session entre une borne et votre batterie. La puissance (qui détermine la rapidité) est exprimée en kW (kilowatt) et le niveau de charge en pourcentage. Nous avons donc sur les graphiques la puissance de charge sur les ordonnées et le niveau de batterie chargé sur les abscisses.

Avec une courbe de recharge, on cherche à visualiser à quel point la batterie d’un véhicule est rechargée à une puissance importante à chaque niveau de recharge. Car la puissance n’est pas la même à 20 % qu’à 80 %. Tous les modèles régissent en effet d’une même règle : plus la batterie est pleine plus la recharge est lente. La courbe de recharge permet de voir à quel point le phénomène se réalise plus ou moins précocement dans l’état de charge.

On souhaite que la courbe de recharge soit la plus plate possible, et donc que la voiture exploite sa puissance maximale de recharge sur la plage la plus large possible du pourcentage de charge de la batterie.

Petit avertissement à cette étape : une courbe de recharge ne détermine pas de façon visuelle si une batterie se recharge vite ou non, car ni le temps de charge ni la taille de la batterie ne sont compris dans la construction des graphiques. Avec une courbe de recharge, on se concentre sur l’exploitation de la puissance de charge à chaque pourcentage récupéré dans la batterie.

Pour ne pas faire d’erreur lorsque l’on compare deux courbes de recharge, il est donc important de bien regarder l’échelle des ordonnées. Car si l’échelle des abscisses ne change jamais (on présente toujours les résultats de 0 à 100 %), l’échelle des niveaux de puissance varie pour simplifier la lecture et obtenir des graphiques de mêmes dimensions. Ainsi, pour une Renault Zoé avec une recharge maximale de 46 kW et une Kia EV6 avec une recharge maximale de 235 kW, l’échelle des ordonnées ne sera pas la même. Les courbes de recharge ne sont pertinentes que sur les bornes de recharge rapide en courant continu (DC), car ce n’est que sur ses bornes que la batterie régule la puissance de recharge encaissée.

La puissance de recharge baisse à mesure que la batterie se remplit : explication

Souvent, on explique la réduction de la puissance de recharge à l’approche des 100 % de charge par une analogie : celle du verre vide et de la bouteille d’eau. Les constructeurs et les spécialistes expliquent alors que de la même manière que nous réduisons le débit d’eau transvasé de la bouteille au verre lorsque nous le remplissons pour ne pas le faire déborder, un chargeur fait de même avec une voiture électrique. Bien que cette analogie soit simple à comprendre et permette de visualiser ce qu’il se passe entre la voiture et la borne, elle laisse sous-entendre que l’idée est simplement de ne pas dépasser la charge maximale. C’est faux. La véritable raison tient en deux explications qui se réfèrent aux lois de la physique.

D’abord, à mesure que la batterie se remplie, la différence de voltage du chargeur et de la batterie se réduit. Cela se présente aux alentours de 70 à 80 %. Comme il faut un voltage important pour que la puissance de charge soit élevée, il est de plus en plus difficile de fournir une puissance élevée à mesure que le voltage baisse entre le chargeur et la batterie.

Si l’on voulait régler le problème, il suffirait alors d’augmenter le voltage du chargeur. Mais cela présente un risque de surchauffe, et donc d’explosion des cellules, car cela engendre de devoir augmenter l’intensité de la recharge (en ampère). C’est la deuxième partie de l’explication à la réduction de la puissance de recharge à mesure que la batterie se remplie.

Illustrons cela par l’exemple d’un conducteur qui s’arrête sur une borne rapide disposant d’un chargeur de 400 V. Il souhaite recharger sa batterie de 400 V, qui ne dispose que de seulement 50 V avant de débuter la charge. La différence entre le voltage dans le chargeur et celle dans la batterie est alors de 350 V. L’intensité est forte, et il est alors possible d’augmenter la puissance de recharge sans problème. Maintenant, lorsque la batterie s’approche des 100 % de charge, elle se rapproche aussi de son niveau à 400 V et il est alors plus difficile de continuer à recharger rapidement.

Ainsi, tous les modèles de voiture électrique suivent cette logique de baisse de la puissance de recharge à mesure que la batterie est pleine. La courbe de recharge vient répondre à la question : à quel point la puissance baisse. Cela se détermine ainsi par la courbe, qui possède une pente plus ou moins importante. Celle-ci peut aussi avoir deux formes différentes : une pente régulière ou sous la forme de paliers.

Exemple de lecture de courbe de recharge

recharge courbe tesla model 3 hyundai ioniq 5
© Fastned

Ci-dessus, deux courbes bien différentes dans leur forme se réfèrent aux batteries d’une Tesla Model 3 (en haut) et d’une Ioniq 5 (en bas). On peut voir que la recharge de la Model 3 diminue de façon régulière à mesure qu’elle est chargée, contrairement à la Ioniq 5 qui rencontre des paliers aux alentours une première fois de 57 %, puis entre 60 et 70 % et enfin après 80 %.

Les ordonnées nous montrent que les deux voitures ne jouent pas sur le même tableau en termes de puissance de charge, nous avons fait exprès de comparer deux modèles très différents, pour montrer qu’il est important de bien tout vérifier avant de comparer deux courbes de recharge.

Différents dans leurs niveaux de puissance, les profils de charge de ces deux modèles sont aussi à l’opposé dans leur courbe de recharge et la façon dont la puissance ralentie à l’approche des 100 %. La forme de recharge en paliers est à l’avantage de la Ioniq 5, qui tient ainsi sa puissance maximale sur une plus large part de la session de recharge que la Model 3 : de 0 à 55 % contre de 0 à 28 % respectivement.

La puissance théorique de recharge passe en-dessous des 100 kW aux alentours de 27 % pour la Model 3 contre aux alentours de 83 % pour la Ioniq 5.

Des puissances maximales plus ou moins tenues par les batteries

La puissance maximale, que l’on appelle plus spécifiquement puissance-crête, est donc plus ou moins tenue au cours de la recharge d’une voiture électrique et cela dépend en partie de la courbe de recharge. On a tendance à croire que le point de bascule est aux alentours de 80 % tant les voitures électriques sur borne rapide réduisent grandement la puissance à ce niveau-là, mais certains modèles commencent déjà à recharger moins vite entre 20 % et 40 % de leur niveau de recharge.

Les différents exemples de courbe ci-dessous illustrent bien la situation. On voit par exemple que la Renault Mégane E-Tech fait pratiquement jeu égal en matière de puissance-crête face à l’Audi Q4 e-tron mais que la française la tient moins bien dans le temps et qu’elle est la première à passer sous les 100 kW (à 35 % contre 50 %).

courbe recharge exemple modeles fastned
© Fastned

L’intérêt de connaître la courbe de recharge

Avant l’achat

Se pencher sur la courbe de recharge peut être très intéressant pour départager deux voitures. Tout d’abord, vous aurez compris qu’il est un critère important à prendre en compte dans l’achat d’une voiture électrique. Il ne faut pas se cantonner à regarder la puissance maximale de recharge, sans quoi vous risquez de passer à côté de modèles qui vous permettront, avec une puissance de recharge plus faible, de recharger plus rapidement votre voiture.

Pour le comprendre, rien de plus simple : imaginez un modèle de voiture électrique à la puissance maximale de 250 kW avec une puissance crête atteinte de 0 à 20 % (après quoi la puissance baisse) et un autre modèle avec une puissance maximale de 200 kW avec une puissance crête atteinte de 0 à 40 %. Il est plutôt simple de comprendre en quoi, le second a un avantage sur le premier, comment la courbe de recharge permet de le prendre en compte et à quel point un constructeur peut jouer sur les chiffres sans vous permettre de réellement profiter de ce qu’il vous promet.

Après l’achat

Heureusement, désormais, les constructeurs parlent beaucoup plus de temps de recharge, souvent entre 10 et 80 %. Mais là encore, il peut s’avérer en pratique très intéressant de connaître la courbe de recharge de son modèle pour gagner du temps lors des recharges. Vous n’allez peut-être pas le croire sur le coup, mais dans le domaine de la recharge pour voiture électrique, moins veut parfois dire plus !

En effet, si l’on garde bien à l’esprit qu’un point de bascule existe lors de la recharge de notre voiture après quoi la puissance de recharge est beaucoup plus faible, on comprend bien qu’il est disproportionnellement long de recharger sa voiture. Et par conséquent, recharger après 80 % quand on est sur un itinéraire s’avère généralement contre-productif (sauf si l’on n’a pas le choix en termes d’infrastructures sur le parcours et d’autonomie suffisante).

S’arrêter de recharger à temps permet de gagner du temps. Tout comme il est plus intéressant d’arriver suffisamment déchargé sur une borne pour y passer moins de temps. Reprenons notre courbe de recharge pour le comprendre : si la puissance maximale de recharge est, pour la plupart des modèles, comprise entre 0 et 40 %, alors il est préférable d’exploiter cette plage de niveau de batterie sur son trajet pour réaliser des recharges plus longues. Cela implique donc d’accepter de couper la recharge suffisamment tôt, mais aussi d’arriver suffisamment déchargé sur une borne. On préfèrera donc recharger entre 0 et 40 % plutôt qu’entre 60 et 100 %.

Où trouver les courbes de recharge

Un réseau de bornes ultra-rapide, capable de recharger jusqu’à 300 kW, a mis à disposition les données de recharge sur certains modèles pour permettre à tous de disposer des courbes de recharge. Ce réseau s’appelle Fastned, et son idée est particulièrement intelligente. Grâce à sa base de données, vous allez pouvoir connaître réellement la courbe de recharge du modèle de votre choix, qu’il s’agisse du vôtre ou de celui que vous hésitez à acheter.

Malheureusement, tous les modèles ne sont pas concernés. On ne retrouve pas, par exemple, de données sur la courbe de recharge d’une MG4 (sans doute par manque de données suffisantes), pourtant l’un des modèles les plus populaires aujourd’hui. Si Fastned ne propose pas de document, nous vous conseillons alors de rechercher sur Google l’information. Certains sites communautaires par exemple peuvent proposer des mesures. On constate bien le manque en la matière et il serait pertinent que les marques soient dans l’obligation de proposer un tel affichage.

L’un des plateformes de données les plus pertinentes pour la voiture électrique est le site anglais ev-database, qui propose par exemple des mesures sur l’autonomie réelle des voitures selon ses propres critères, loin du cycle WLTP. Grâce à ces données, vous pourrez notamment trouver la puissance moyenne de recharge de la plupart des modèles. L’occasion de voir alors qu’une MG4 recharge en moyenne à 55 kW entre 10 et 80 %, qu’une Tesla Model 3 recharge en moyenne à 100 kW, ou qu’une Ford Mustang Mach-E recharge à 78 kW.

Sinon, nous vous conseillons de demander au constructeur directement, qui possède bel et bien les données sur les courbes de recharge de sa gamme électrique même s’il ne les affiche pas. Un concessionnaire pourra vous transmettre l’information.

Les limites sur les courbes de recharge

Petit avertissement cela dit, concernant ce que vous trouverez comme information sur les courbes de recharge. Au même titre que l’autonomie d’une voiture électrique, d’autres éléments viennent jouer dans le calcul. Il s’agit notamment de la borne utilisée, de la fréquentation de la station de recharge (qui peut baisser la puissance si toutes les bornes sont occupées par exemple), mais aussi et surtout les conditions climatiques. L’hiver, avec des températures basses, les recharges sont beaucoup plus lentes.

N’espérez donc pas pouvoir atteindre la moyenne ni même le pic de puissance de la recharge de votre voiture en tout temps et en tout lieu. D’où l’intérêt de la courbe de puissance d’ailleurs qui a aussi et surtout comme avantage de montrer l’évolution de la puissance pour simplement voir sur quelle plage il est le plus intéressant de recharger. Si votre véhicule recharge à 150 kW maximum, préférer une borne de 350 kW à une borne de 150 kW ne changera rien non plus.

Enfin, si votre véhicule est équipé d’un système de préconditionnement de la batterie, il pourra recharger bien plus vite en hiver qu’un modèle qui ne l’est pas. Cet élément, souvent en option, qui se déclenche automatiquement ou manuellement avant un démarrage, peut donc devenir un vrai plus si vous partez en voyage dans une région où les températures sont basses.

Comment améliorer une courbe de recharge ? La solution du 800 volts

Maintenant que l’on comprend l’intérêt de la courbe de recharge et que celle-ci soit la plus plane possible, comment peut-on effectivement l’améliorer ? À votre échelle, vous ne pourrez rien changer pour améliorer. Mais du côté des constructeurs, certains essaient et portent leur solution du côté de la tension des batteries : plutôt que de se cantonner à du 400 volts, ils passent au 800 volts. Il y a du bon et du moins bon dans cette solution.

architecture 800 volts voiture electrique
© Porsche

Quand on parle de 400 ou de 800 volts, on parle de la tension admise par la voiture. De l’un à l’autre, il est surtout question de câbles. L’intérêt est tout d’abord pour la sécurité : à tension plus élevée, il est possible de baisser l’intensité lors de la recharge, et donc le risque d’échauffement des composants et donc des incendies. L’architecture 800 volts a aussi un plus économique et écologique : les charges sont plus efficaces, car il y a moins de pertes énergétiques (d’électricité transformée en chaleur).

Comme la puissance de recharge est calculée par l’intensité (en Ampères) et la tension (en Volts), il est donc possible de recharger sa voiture à des niveaux de puissance plus importants avec l’architecture 800 volts. Sur des bornes Ionity qui admettent 500 ampères, il serait ainsi possible en théorie de monter jusqu’à 400 kW de puissance (200 kW avec du 400 volts). Certains constructeurs qui ont décidé d’y passer en profitent pour se targuer d’une courbe de recharge avec une puissance maximale sur une plus large plage, à l’image d’Audi avec la Q8 e-tron.

En revanche, l’architecture 800 volts demande à ce que les constructeurs adoptent des composants supplémentaires à la recharge pour que les bornes 400 volts puissent fonctionner sans poser de problème à une voiture électrique de 800 volts. Par exemple, les Superchargeurs sont des bornes de recharge 400 volts. Pour avoir du 800 volts, il faut choisir le réseau Ionity, Fastned, Kallista ou TotalEnergies. Certains constructeurs comme BMW préfèrent se cantonner à du 400 volts, rappelant que l’infrastructure de recharge ne sera pas en mesure de suivre les prédictions de certains pour une large majorité de voitures électriques 800 volts d’ici 2025.

Mais le débat va au-delà. Plus largement, l’amélioration des puissances de recharge pose question au regard de ce qu’il en adviendra de nos arrêts sur les bornes.

Les améliorations contre-productives

Il peut en effet s’avérer contre-productif de se retrouver avec des modèles aux capacités de recharge toujours plus rapides. Si l’on retient des courbes de recharge qu’il est préférable d’exploiter la plage 20-60 %, alors il sera de plus en plus difficile de ne pas « dépasser ». Qu’est-il préférable, entre recharger pendant 20 minutes sans se presser pour aller aux toilettes, prendre un café, se dégourdir les jambes, et recharger pendant 5 minutes, en expédiant ces missions ? La recharge intelligente d’aujourd’hui n’implique pas de se presser, mais demain, si les niveaux de recharge sont plus importants, alors il faudra choisir.



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Catégorie article Sécurité

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